Histoire d’une famille modèle

Aujourd’hui est-on capable de définir ce qu’est une famille ? Il faudrait plusieurs pages pour pouvoir l’expliquer tant le sujet est complexe. Nous nous focaliserons donc sur une certaine famille. La vie juive « religieuse » et sa vision du couple.

Comme pour chaque création il nous faut un modèle. Nous allons nous pencher sur la première famille relatée dans l’histoire, celle de Yaakov. Une famille extraordinaire qui va devenir le symbole même pour toutes les générations futures.

L’ histoire de Yaakov qui va construire sa maison, sa famille, nous interpelle : N’est-il pas judicieux que chacun construise sa vie, sa maison avec ses dix doigts ?

Le Rav Shimshon Raphaël Hirsch nous explique l’idée suivante : « Yaakov quitte la maison de ses parents sans un sou. Il va travailler afin de construire sa famille. Yaakov quitte la maison de son enfance et va mettre toutes ses capacités pour construire une maison juive…C’est démuni de tout qu’il quitte son pays.»

Yaâkov va se remplir de Torah comme jeune étudiant allant dans une yéchiva. Il ne va lésiner sur rien, chaque minute est importante. C’est pendant quatorze ans qu’il va se donner à l’étude comme un jeune étudiant sérieux qui passe son temps assis sur les bancs de la yeshiva, et se fondre dans le monde de la Thora sans jamais sortir voir le jour. D’un niveau que beaucoup envieraient, il ne va pas dormir, déployant des forces surhumaines pour sanctifier tout le temps qu’il a dans l’Etude.

Son père, Itshak va le pousser dans ce chemin, il va lui donner toute cette confiance dont un jeune a besoin pour se consacrer jour et nuit à la Thora. Son père Itshak sait toute la responsabilité qu’il a vis à vis de son fils qui va, avec l’aide divine, continuer le chemin que son père a tracé. Il est évident que pour lui il n’y a aucune raison de le sortir de son étude. Il sait que son fils va être le grand de la génération. Il sait, tout comme son fils, qu’il n’y a pas de place pour l’incertitude du lendemain.

Lorsque arrive le temps des shidoukhim (des rencontres dans le but du mariage), pour le futur grand de la génération, il semble évident que beaucoup de propositions sont faites. De nombreuses familles ont essayé de marier leur fille à Yaakov. Il était assez facile pour ce garçon ayant toutes les qualités requises, héritage spirituel comme matériel d’avoir plus que l’embarras du choix.

Il ne faut pas oublier qu’Itshak était le grand de la génération mais aussi il était très riche. Une richesse qu’il a reçu de son père Avraham et de son labeur.

On peut dire que Yaakov était comblé, il pouvait se reposer sur la richesse et la notoriété de son père. Lui-même va hériter de tout ça ! Et de surcroît il est un sage, connaissant toute la Thora avec des vertus extraordinaires ! Qui mieux que lui.

Et pourtant, chose incroyable, ses parents, Itshak et Rivka, vont lui demander d’aller chercher une femme dans un autre endroit. Ils vont le « renvoyer » de la maison sans un sou ! Vers un endroit inconnu (même si cela reste dans le giron familial).

Le Rav S.R Hirsh nous dit « beaucoup se sont étonnés du comportement d’Itshak, qui était extrêmement riche, à la fois de l’héritage ainsi que de la bénédiction qu’il a reçu. Comment peut-il envoyer son fils sans lui donner la moindre chose ?! »

Yaakov,ne l’oublions pas, a recu la bénédiction du Maître du monde, « et D.ieu te bénira et tu te multiplieras et tu deviendras une assemblée de peuples.»

Le Rav Hirsh nous dit d’ailleurs « Ne prends rien avec toi, Hashem ton D.ieu va t’accompagner dans ton chemin, Il va même te donner Sa bénédiction, Il va t’aider matériellement à construire ta famille, te donner la force d’avoir des enfants et de les éduquer selon ton chemin.»

Pendant sa jeunesse, Yaakov ne pensait pas aux aléas de la vie, aux difficultés qu’il pourrait rencontrer, il ne pensait qu’à s’imprégner de Thora. Il ne se demandait pas comment il allait pouvoir payer une maison ou au moins payer ses études. Il savait qu’il n’avait rien et qu’il ne recevrait rien. Il étudiait la Thora sans se soucier de quoi que ce soit, sans intérêt quelconque. Sans se dire qu’il le faisait pour avoir un bon parti, ou un héritage digne de ses efforts, il étudiait pour la mitsva d’étudier !

Lui seul, avec ses dix doigts il a construit sa famille , sa maison. Il a dû travailler pendant quatorze ans non pas pour se payer un appartement mais pour pouvoir se marier avec Rahel. Il a tout fait, tout donné, nuit et jour, été comme hiver. Il n’a pas été atteint dans son intégrité tant spirituelle que dans son étude. Il a dû travailler sept autres années pour payer un « prêt » pour l’après mariage. Il réussit à faire grandir ses enfants dans le chemin de la Thora et dans la crainte du ciel, malgré un environnement hostile, un endroit contraire à ses aspirations spirituelles.

Ou est donc la logique d’ un homme seul construisant, lui même, douze maisons, douze familles ? Comment est-ce ancré en nous, chez certaines familles le principe de s’endetter sur des sommes pharaoniques pour marier nos enfants ? Est-il possible de sortir de ce cercle vicieux ? N’est il pas plus logique que chacun puisse se construire tout seul, construire sa maison de ses propres mains ?

Il semble, que lorsqu’un homme construit lui-même sa maison, sa responsabilité est plus grande. Avec une certaine fougue, il va protéger ce qu’il a mis en place, ce qu’il a construit. Il sera plus sensible à la valeur des choses, dans chaque détail.

C’est une erreur de penser qu’un enfant qui va tout recevoir sur un plateau d’argent va réaliser la valeur de ce qu’il reçoit. Au contraire, donner sans que l’autre ne fasse d’efforts engendre un sentiment éphémère dans ce qu’il acquiert ; l’objet reçu ne va pas durer longtemps entre ses mains. Cette personne aura du mal à se confronter aux vicissitudes de la vie. La colère risque de prendre le dessus lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il veut, car il avait l’habitude de recevoir facilement dans sa jeunesse.

Le Rav Hirsh nous explique en concluant : « Yaakov qui est le maître de maison, travaille et s’occupe jour et nuit dans l’inquiétude de pourvoir au besoin de sa famille…Il revient chez lui en Erets Israel en tant que chef de famille, responsable, mais pour cela il a dû lutter pendant vingt ans malgré la bénédiction qu’il avait reçue et malgré son droit d’aînesse…les actes de nos pères sont un signe pour les générations futures ! »

Texte liée à une idée de Rav Shlomo Rozenshtein

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